mardi 19 avril 2016

Jour 11 – Mercredi 6 avril – Deux chevaux valent mieux qu’un



Aujourd’hui s’annonce comme un nouveau jour de m****. Maël semble avoir attrapé le mal charrié par Romain et il commence à tousser. 

Par ailleurs, il neigeote et il fait doux, et nous connaissons la puissance maléfique de ce cocktail… Tout est ton sur ton, le ciel rejoint la neige, dans un nuancier gris perle. En moins d’une heure nous rallions Aktse, où nous trouvons cinq baraques ornées de drapeaux suédois et de bois de renne. Il y a également un refuge au bout du hameau, à l’endroit où passe la Kungsleden, la voie royale qui traverse la Suède du Nord au Sud. C’est une longue piste tracée qui borde les montagnes et où les motoneiges (ski-doos) se disputent la vallée aux huskies. Nous espérons pouvoir nous en écarter rapidement, mais c’est un jour blanc et les piquets qui jalonnent la voie sont plus que bienvenus pour nous guider. Surtout, nous devons remonter une colline et, avec les pulkas, le mieux est de suivre un sentier damé. 400 mètres d’ascension raide sur un chemin façonné (ou plutôt défoncé) par les ski-doos, tout en creux et en bosses. Luc parvient à hisser la sienne jusqu’au sommet, mais celle de Romain est trop lourde et il glisse sur ses peaux dans chaque raidillon. Je tente un relais avec le même constat : deux pas en avant pour une glissade en arrière, c’est trop frustrant. On sort donc l’artillerie lourde : les raquettes pour Romain et le baudrier et la corde pour moi qui m’harnache en double. En traînant à deux la pulka récalcitrante nous parvenons à doubler Luc et à le coiffer au poteau, ce qui le fera maugréer : Je me fais doubler par une deux-chevaux !
Huskies
Hu skis ! Si Luc met les peaux, c'est que l'heure est grave...
 Et c’est vrai qu’on se sent l’âme bourrine quand on tire ces traîneaux. Généralement les deux bêtes de trait du matin sont relayées à midi, mais parfois, quand l’une d’entre elles a besoin de plus de repos, l’un d’entre nous est à la tâche toute la journée. Les deux qui ne tirent pas portent leur sac et sont les éclaireurs volants. Plus légers et plus réactifs, ils partent repérer le chemin et faire la trace. Ce sont eux aussi que l’on envoie pour aller constater que les cabanes convoitées sont fermées ou inexistantes. Toute la réussite de l’entreprise réside dans l’efficacité des relais : il faut économiser les bêtes de trait et changer d’éclaireur pour trouver le bon itinéraire. Parfois une bête de trait peut aussi être un éclaireur, c’est souvent le cas de Luc. Mais cette double capacité est réservée aux meilleurs.

La deux-chevaux de face
La deux-chevaux de dos
Une fois le sommet de la colline atteint et les 400 mètres avalés, nous attend une belle descente vers le lac de Sitojaure et plus que 10 km avant notre prochain bivouac. A bout de forces après l’effort intense produit dans la montée, et avec l’état de Maël qui se dégrade, nous faisons une halte au milieu de rien, sur un petit plateau au bord de la Kungsleden. Nous avons l’impression d’être d’improbables touristes à l’affut du passage du Tour de France, sauf qu’il fait 0° et que nous ne verrons passer que 2 randonneurs et 3 skieurs. Nous leur emboîtons le pas et traversons le lac qui nous amène droit sur le hameau de Sitojaure.

Où l'on constate que personne n'écoute le chef
De toute manière c'est tout droit...
De face dans le blanc
De dos dans le blanc
Cette fois-ci nous nous arrêtons au refuge, où la charmante gardienne nous offre de l’eau chaude. Nous profitons aussi avec délectation des commodités, les fesses au chaud entre quatre planches. Et puis nous quittons la chaleur du poêle et cet abri sec pour aller poser notre tente plus loin, dans la forêt.

Il ne nous reste plus que deux jours pour rallier notre point de départ, Saltoluokta.

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