lundi 18 avril 2016

Jour 9 – Lundi 4 avril – Ça chie dans la colle



Ce jour 9 est un jour de m****, un de ces jours où on se dit qu’on aurait mieux fait de rester sous la couette. Il n’y a que Romain qui apprécie cette journée, heureux de passer enfin plusieurs heures sans fièvre. Il a neigé toute la nuit et comme la température a encore grimpé (5° la nuit), la neige est très humide et collante. Nous en faisons l’amère expérience dès le premier coup de spatule. Pendant quatre heures les skis bottent et il n’est quasiment plus possible de glisser. Il faut donc marcher en traînant les 40 kg de la pulka sur les reins, inutile de dire que cela ralentit beaucoup la troupe et fatigue les organismes. Avancer dans un pot de colle est usant pour les nerfs et nous nous agaçons de plus en plus de cette marche à petits pas. Sans parler du temps qui ne s’améliore pas. Le plafond nuageux est très bas et nous ne verrons presque pas les sommets de cette vallée, morne comme notre moral.

F****** jour blanc

Y a des jours comme ça...

La monotonie de cette journée est cependant brisée à la pause du midi quand nous décidons de nous arrêter sur une berge de la rivière gelée que nous parcourons depuis le matin. En nous regroupant au même endroit, la glace se fend et une plaque se détache à l’endroit où je me tiens avec ma pulka. Romain, juste à la limite de la brisure en est quitte pour une chaussure trempée et je parviens à me désharnacher et à prendre pied sur une autre plaque plus stable avant que l’autre ne s’enfonce. Luc sauve la pulka en la tirant à temps sur la berge. Une petite sueur froide pour tous et surtout un pied gelé pour Romain qui retire immédiatement chaussures et chaussette pour éviter la gelure. A noter, son incroyable stoïcisme lors de l’immersion de son pied (l’eau étant probablement aux alentours de 0°).
Et crac !
Et une chaussure mouillée, une !
C'est si agréable une sieste au soleil !
 Le déjeuner redonne un peu de vigueur à chacun et l’on reprend la route, toujours en empruntant le lit de la rivière, car il n’y a malheureusement pas assez de neige sur les berges. Nous marchons sur des œufs et testons chaque pont de neige. Une plaque craque à nouveau sous les skis de Romain, mais la caravane s’arrête à temps et évite la brisure. Au moins, la neige ne colle plus et on peut enfin reprendre un rythme normal. Petit moment agréable de la journée : l’apparition d’un autre renard roux qui croisera notre caravane avec fierté et nonchalance.
Rooky II
Nous montons le camp à 15h30, alors que la neige se met à tomber de plus belle. L’humidité, que nous craignons depuis le début commence à envahir nos affaires et la tente ruisselle sans que nous ne puissions lutter contre sa rétention hydrophile. Eponge et papier toilette sont nos seules armes et nous finissons par gagner notre lieu de couchage.
Plic, ploc
Le camp retranché

A présent, il est temps pour moi de vous en dire plus sur mes compagnons de voyage. 

Luc est le mâle dominant. Il représente l’autorité décisionnelle à laquelle chacun se réfère en cas d’incertitude. Il est celui qui est déjà venu en Laponie, celui qui a le plus d’expérience en matière d’expédition et de skis et celui qui a préparé toute l’entreprise. Son maître mot est l’action et sa pire angoisse est la chaussette mouillée. 

Luc
 Maël est un doux compagnon qui parle au conditionnel (il ne veut pas une pelle, mais il aimerait savoir si on pourrait éventuellement lui passer une pelle). Sa gentillesse lui fait faire des ellipses, qu’il n’a aucun mal à tangenter quand il s’agit de partir à la recherche des cabanes fantôme. 

Maël
Romain est un roc. Il a l’énergie pour faire quinze tâches dans une journée, mais une sourde maladie l’a attaqué et ce colosse souffre de ses pieds d’argile (troués par une perfide sardine le premier soir). Heureusement, son orgueil est son arme secrète et il continue d’avancer sans gémir. 

Romain
D’apparence, ces trois-là pourraient passer pour de fins lettrés et de purs esprits. Les mots-croisés du soir, la belote de 17h et les parties d’échec virtuelles laissent à penser qu’ils ne sont que raffinement intellectuel. Mais impossible de s’y tromper : les chaussettes fumantes suspendues au milieu de la tente ainsi que les blagues grasses me rappellent chaque jour que je voyage en compagnie de mâles rustres. Quant à moi, bien sûr, je suis irréprochable, tout comme mon hygiène. Fraîche comme au premier jour, je suis fine et spirituelle et apporte à l’équipe l’indispensable douceur féminine.

et ouam !

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