Aujourd’hui s’annonce comme un
nouveau jour de m****. Maël semble avoir attrapé le mal charrié par Romain et
il commence à tousser.
Par ailleurs, il neigeote et il
fait doux, et nous connaissons la puissance maléfique de ce cocktail… Tout est
ton sur ton, le ciel rejoint la neige, dans un nuancier gris perle. En moins
d’une heure nous rallions Aktse, où nous trouvons cinq baraques ornées de
drapeaux suédois et de bois de renne. Il y a également un refuge au bout du
hameau, à l’endroit où passe la Kungsleden, la voie royale qui traverse la
Suède du Nord au Sud. C’est une longue piste tracée qui borde les montagnes et
où les motoneiges (ski-doos) se disputent la vallée aux huskies. Nous espérons
pouvoir nous en écarter rapidement, mais c’est un jour blanc et les piquets qui
jalonnent la voie sont plus que bienvenus pour nous guider. Surtout, nous
devons remonter une colline et, avec les pulkas, le mieux est de suivre un
sentier damé. 400 mètres d’ascension raide sur un chemin façonné (ou plutôt
défoncé) par les ski-doos, tout en creux et en bosses. Luc parvient à hisser la
sienne jusqu’au sommet, mais celle de Romain est trop lourde et il glisse sur
ses peaux dans chaque raidillon. Je tente un relais avec le même constat :
deux pas en avant pour une glissade en arrière, c’est trop frustrant. On sort
donc l’artillerie lourde : les raquettes pour Romain et le baudrier et la
corde pour moi qui m’harnache en double. En traînant à deux la pulka
récalcitrante nous parvenons à doubler Luc et à le coiffer au poteau, ce qui le
fera maugréer : Je me fais doubler
par une deux-chevaux !
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Huskies |
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Hu skis ! Si Luc met les peaux, c'est que l'heure est grave... |
Et c’est vrai qu’on se sent l’âme
bourrine quand on tire ces traîneaux. Généralement les deux bêtes de trait du
matin sont relayées à midi, mais parfois, quand l’une d’entre elles a besoin de
plus de repos, l’un d’entre nous est à la tâche toute la journée. Les deux qui
ne tirent pas portent leur sac et sont les éclaireurs volants. Plus légers et
plus réactifs, ils partent repérer le chemin et faire la trace. Ce sont eux
aussi que l’on envoie pour aller constater que les cabanes convoitées sont
fermées ou inexistantes. Toute la réussite de l’entreprise réside dans
l’efficacité des relais : il faut économiser les bêtes de trait et changer
d’éclaireur pour trouver le bon itinéraire. Parfois une bête de trait peut
aussi être un éclaireur, c’est souvent le cas de Luc. Mais cette double
capacité est réservée aux meilleurs.
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La deux-chevaux de face |
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La deux-chevaux de dos |
Une fois le sommet de la colline
atteint et les 400 mètres avalés, nous attend une belle descente vers le lac de
Sitojaure et plus que 10 km avant notre prochain bivouac. A bout de forces
après l’effort intense produit dans la montée, et avec l’état de Maël qui se
dégrade, nous faisons une halte au milieu de rien, sur un petit plateau au bord
de la Kungsleden. Nous avons l’impression d’être d’improbables touristes à
l’affut du passage du Tour de France, sauf qu’il fait 0° et que nous ne verrons
passer que 2 randonneurs et 3 skieurs. Nous leur emboîtons le pas et traversons
le lac qui nous amène droit sur le hameau de Sitojaure.
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Où l'on constate que personne n'écoute le chef |
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De toute manière c'est tout droit... |
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De face dans le blanc |
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De dos dans le blanc |
Cette fois-ci nous nous arrêtons
au refuge, où la charmante gardienne nous offre de l’eau chaude. Nous profitons
aussi avec délectation des commodités, les fesses au chaud entre quatre
planches. Et puis nous quittons la chaleur du poêle et cet abri sec pour aller
poser notre tente plus loin, dans la forêt.
Il ne nous reste plus que deux
jours pour rallier notre point de départ, Saltoluokta.
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